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Section Thématique 17

Retour sur le gouvernement des risques collectifs : quelle place pour les industriels ?
The Government of Collective Risks Revisited: Which Place for the Industries?

Responsables

Laure BONNAUD (INRA - Unité RiTME / Risques, Travail, Marchés, État) laure.bonnaud@ivry.inra.fr
Marc-Olivier DÉPLAUDE (INRA - Unité RiTME / Risques, Travail, Marchés, État) marc-olivier.deplaude@ivry.inra.fr
Nicolas FORTANÉ (INRA - Unité RiTME / Risques, Travail, Marchés, État) nicolas.fortane@ivry.inra.fr

Présentation scientifique Dates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Depuis la fin des années 1990, le paysage institutionnel de la régulation des risques sanitaires et environnementaux s’est profondément modifié, en France comme en Europe. De nombreux travaux ont montré comment cette nouvelle configuration des politiques publiques s’est accompagnée, sous la pression des médias et de diverses mobilisations collectives, de transformations importantes des formes de gouvernement des risques collectifs : création de nouvelles agences d’évaluation des risques, développement de dispositifs de surveillance épidémiologique, procéduralisation de l’expertise, etc. Toutefois, un aspect de ces recompositions a été peu abordé par la littérature scientifique : le rôle des acteurs industriels. Cette section thématique propose ainsi de réunir plusieurs contributions visant à mieux appréhender la façon dont ces acteurs (entreprises, groupes, filières, organisations professionnelles, agences de communication, organismes de conseil, fondations privées, etc.) participent à l’évaluation, à la gestion et à la prévention des risques que leurs activités économiques contribuent à créer.

Quatre axes de recherche nous intéressent particulièrement :

1 - La participation des acteurs privés à la production de l’expertise. Dans ce domaine, les agences et les administrations sont souvent dépendantes des données fournies par les industriels. On évoque parfois un « détour de régulation » pour qualifier ce mode de gouvernance qui place les acteurs privés au cœur de la gestion et l’évaluation des risques. Dans le secteur des industries chimiques et pharmaceutiques par exemple, la production de données et leur partage avec les pouvoirs publics constitue un enjeu clé pour la mise sur le marché de nouvelles substances. Quelles sont les données rendues publiques par les industriels et selon quelles modalités sont-elles produites et contrôlées ?

2 - La place des acteurs privés dans la production des normes, des règlements et des instruments de régulation des risques collectifs. On s’intéressera particulièrement aux types de relations qu’entretiennent les pouvoirs publics avec les industriels (co-gestion, co-décision, recherche du consensus, etc.). Les cadres institutionnels et les formes de ces interactions (participation à des groupes de travail, activités de lobbying, relations informelles, etc.) pourraient faire l’objet d’un examen approfondi. Quels sont les représentants et les organisations qui portent les intérêts des industriels ? Quels liens entretiennent-ils avec leurs mandants ? Que produisent ces interactions, ponctuellement et sur le moyen terme ?

3 - La diffusion et l’appropriation de ces normes, règlements, et instruments d’action publique dans les établissements industriels. On portera un intérêt particulier aux dispositifs à caractère incitatif et volontaire, ainsi qu’aux standards, chartes et autres guides de « bonnes pratiques ». L’extension des obligations d’autocontrôle place les industriels au cœur du gouvernement des risques collectifs, et ils ont des effets en retour sur le rôle des agents de l’Etat, désormais cantonnés à un contrôle dit de « second degré », par exemple dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments. Comment se met en place concrètement le gouvernement des risques par les acteurs privés ? Correspond-il seulement à un effacement de l’action publique ? Quelle nouvelle donne crée-t-il entre autorités publiques et industriels ?

4 - Le travail d’information et de communication des industriels. Ces démarches incluent à la fois des actions d’information à caractère obligatoire (en matière de prévention des risques professionnels ou autour des établissements SEVESO…) et des opérations volontaires de communication visant à mettre en scène leur implication et leur souci du bien commun (campagnes de prévention sur les risques nutritionnels au sein des cantines scolaires, financement de la recherche par des fondations privées…). Comment les campagnes et les supports de communication sont-ils fabriqués ? A quels publics sont-ils destinés ? Dans quelle mesure ces outils concourent-ils au gouvernement des risques collectifs et des populations qui y sont exposées ?

Enquêter sur les entreprises industrielles et leurs organisations soulève des difficultés spécifiques, notamment en termes d’accès aux sources. Cela pose aussi la question de la posture du chercheur lorsqu’il aborde un tel objet, l’adoption d’une approche compréhensive (sans être lénifiante) dans l’étude des industriels étant sans doute moins évidente et moins aisée que pour d’autres univers sociaux. Nous attendons donc des contributions à cette ST qu’elles abordent de front ces enjeux en termes de méthodes et de posture de recherche.


Since the late 1990s, the institutional landscape of the regulation of health and environmental risks has changed dramatically in France and in Europe: setting of new agencies for risk assessment, development of epidemiological surveillance devices, proceduralization of expertise, etc. One aspect of this shift in the government of risks is less present in the literature: the role of industrial actors. This section aims to understand better how these actors (firms, business interest groups, private foundations…) are involved in the assessment, management and prevention of risks.

Four research issues are of particular interest:

1 - The participation of private actors in the expertise process. In this area, agencies and administrations are often dependent on data provided by manufacturers. What kind of expertise is produced by the industries and how is it controlled?

2 - The role of private actors in the production of standards, rules and instruments of risks management. How do they interact with the governmental actors? In which institutional areas?

3 - The dissemination and adoption of these standards, rules, and instruments within the industries. We are especially interested in voluntary measures, such as standards, charters and guides to good practice. How the government of risks by private actors concretely sets up?

4 - The information and communication on risks by industrial actors. These issues include both information measures mandated by law, and voluntary communication of the industries, showing their concern for the common good. To what extent do these tools contribute to the government of collective risks?

We also expect from the contributors that they address the methodological difficulties in accessing the sources and in adopting an adequate research posture in this specific fieldwork.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur la session suivante :
Session 1 : 9 juillet 2013 14h-16h45
Voir planning général...

Lieu : Batiment J (13 rue de l'Université), salle J S07


Programme


Résumés des contributions

Cécile Ferrieux (Université Lyon 2, Triangle)
 
Le risque fédérateur : formes et enjeux d’une relation maîtrisée entre dirigeants industriels et élus locaux dans la Vallée de la Chimie
 
Au sud de l’agglomération lyonnaise, se trouve un bassin industriel, connu sous le nom de « Vallée de la chimie » où les entreprises attirent l’attention pour leur dangerosité. Depuis 2003, ces sites à risque voient la mise en place de plans de prévention (PPRT) visant à réglementer l’urbanisation des villes voisines. A cet égard, ces plans renouvellent les rapports qu’entretiennent les industriels avec les élus locaux. Porteurs d’intérêts parfois contradictoires, souvent alliés de circonstances, ces derniers développent des relations aux ressorts multiples. C’est ce qui nous intrigue : alors que les tensions qui pèsent sur les relations collectivités-industriels sont fortes, comment expliquer le caractère pérenne de l’implication des industriels dans l’espace public ? Les relations entre les dirigeants industriels et les élus sont en réalité fortement intégrées puisqu’au processus réglementaire s’ajoute la mise en place de projets plus consensuels liés à la question du risque. L’apprentissage mutuel qui s’effectue dans ces différents cadres n’est bien sûr pas dénué de toute dimension stratégique. Les industriels forment cependant avec les élus un réseau soudé par une vision industrialiste du territoire qui permet de transcender les divergences et de dépasser le seul domaine de la prévention du risque. La gestion du risque offre ainsi la possibilité d’une implication à long terme des industriels dans des politiques territoriales plus vastes.
 
The unifying risk: about the controlled relationship between industry leaders and local representatives in « the chemical valley » in Lyon.
 
In Lyon southern gateway, an industrial estate takes place, well known as the « chemical valley » where firms draw attention for their potential danger. Since 2003, prevention plans have been setting up around these sites, aiming at regulating city urbanisation. Consequently, these plans renew the relationship between industry leaders and local representatives. Even if they have sometimes opposite interests, they may be occasional allies and therefore develop various forms of collaborations. That point is intriguing: tensions, while getting strong between local authorities and industrial firms, do not prevent a constant involvement of the latter into the public sphere. How can such a paradox be explained?  ? Actually the relationships between the industry leaders and the local representatives are strongly integrated since they take part into the safety regulatory process but also into many consensus-based projects related to the risk question. The mutual learning that arises from those public collaborative projects has, nevertheless, a strong strategic dimension. However, industry leaders and local representatives form a cooperative network where the common vision of an industry-based territory goes beyond the differences of opinion and allows to exceed the only area of risk. The risk management provides therefore occasions for industry leaders to get involved into broader territorial policies within longer timescales.


Emmanuel Henry (Université de Strasbourg, GSPE)
 
Valeurs sous influence ? Le poids des industriels dans le processus d’élaboration des valeurs limites d’exposition professionnelle
 
Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) définissent des niveaux réglementaires d’exposition à des toxiques au dessus desquels les travailleurs ne doivent pas être exposés. De nombreux travaux ont mis en évidence le poids des intérêts industriels dans l’élaboration de la principale liste de valeurs limites utilisées à l’échelle internationale, celle de l’American Conference of Governmental Industrial Hygienists. En France, plusieurs commission ont été mises en place depuis les années 1980 pour élaborer des valeurs limites nationales. A partir de l’analyse du fonctionnement de ces différents groupes et de certains dossiers (silice, amiante, fibres minérales artificielles), cette communication analyse l’influence des industriels dans la production de ces valeurs et leur mise en œuvre. L’objectif est de montrer que leur poids est principalement dû à des facteurs structurels, notamment : les inégalités de ressources scientifiques et d’expertise entre les organisations d’employeurs et les organisations syndicales ou les représentants de l’Etat ; les contradictions entre les logiques de la recherche scientifique l’établissement d’une réglementation favorable aux intérêts de santé publique ; la transnationalisation des espaces scientifiques et d’expertise, etc. Dans une perspective de sociologie des sciences, l’objectif est donc de s’interroger sur les effets de la construction technoscientifique de ces valeurs sur les rapports de force entre les intérêts industriels et ceux d’autres parties prenantes.
 
Thresholds under influence? The weight of industry in the process of determining occupational exposure limits
 
Occupational Exposure Limits (OEL) define the maximum levels at which labour regulations allow workers to be exposed to certain toxins. Many studies have shown the weight that industrial interests have played in drawing up the main list of exposure limits currently used throughout the world: that of the American Conference of Governmental Industrial Hygienists. In France, several commissions have been set up since the 1980s to determine national exposure limits. Based on an analysis of the functioning of these different groups and of certain issues (silica, asbestos, artificial mineral fibres), this paper analyses the influence of industrial firms in the setting and application of these limits. The aim is to show that their weight is primarily due to structural factors, especially the following: the inequalities of the scientific resources and expertise in the hands of employers’ organizations and trade unions or state representatives; the contradictions between the logic of scientific research and that of the making of regulations favourable to public health interests; the trans-nationalization of scientific spheres of expertise, and so on. From a sociology of science perspective, we therefore examine the effects of the techno-scientific construction of these values on the balance of power between the interests of industry and those of the other stakeholders.


Renaud Crespin (IEP de Rennes, CRAPE)
 
Quand les industriels s’en mêlent : expertise, logiques marchande et stratégies promotionnelles dans la régulation des risques. Le cas du dépistage des drogues en France.
 
Cette communication interroge le rôle des industriels dans la régulation des risques associés à la consommation de drogues illégales dans l’emploi en France. Si l’approche adoptée s’intéresse au cadrage public du problème, elle met l’accent sur les processus de promotion du dépistage comme solution aux risques induits par les drogues. Pour rendre compte de l’activité des entreprises pharmaceutiques et des laboratoires d’analyse dans la décision publique d’opter pour le dépistage nous caractériserons les stratégies de lobbying et d’intéressement déployées par certaines des organisations qui relayent publiquement ces intérêts industriels (sociétés savantes, de conseil et organisation professionnelle). Deux pistes sont privilégiées. La première porte sur la production d’une expertise sur les risques liés à l’usage de drogues par les salariés (absentéisme, accident du travail, baisse de la productivité, perte de marché). Tout en opérant un retour critique sur le contenu et le statut de ces expertises chiffrées nous insisterons sur leur mode de diffusion (revue scientifique, colloque, association, médias) et sur les formes de leur appropriation dans les régulations émises par les pouvoirs publics (travaux parlementaires, enquête et programme de recherche). La seconde piste aborde plus directement les stratégies marchandes des entreprises spécialisées dans le dépistage (fabriquant et distributeur) pour diffuser ces instruments biologiques dans le monde du travail (marketing, site internet, phoning, médiatisation, ciblage des clients).
 
When industry gets involved: expertise, market logic and promotional strategies in risk regulation. The case of drug screening in France
 
This paper examines the role of industry in the regulation of risks associated with the consumption of illicit drugs in the workplace in France. While the approach adopted focuses on the public framing of the problem, it also emphasizes the processes of promotion of screening as a solution to drug-induced risks. To account for the activity of pharmaceutical companies and medical test laboratories in the public authorities’ decision to opt for screening, we characterize the strategies of lobbying and ‘interessment’ deployed by some of the organizations that publicly represent these industrial interests (e.g. scientific societies, consultants). The paper examines two main areas. First, the production of expertise on the risks related to workers’ use of illicit drugs (absenteeism, labour accidents, reduced productivity, loss of sales). We critically review the content and status of this quantitative expertise and highlight the ways in which it is disseminated (scientific journals, conferences, organizations, media) and appropriated in the regulations made by the public authorities (parliament’s work, inquiries and research programmes). The second area concerns, more directly, the market strategies adopted by firms specialized in screening (manufacturers and retailers) to spread these biological instruments throughout the workplace (i.e. marketing, websites, phoning, media, customer targeting).


Olivier Pilmis (Sciences Po, CSO), Thibault Bossy (Université Bordeaux 2, Centre Emile Durkheim), Henri Bergeron (Sciences Po, CSO), Patrick Castel (Sciences Po, CSO)
 
La difficulté de combiner un instrument d’action publique et un dispositif marchand. L’échec (relatif) des chartes d’engagements volontaires de progrès nutritionnel
 
L’apparition de l’obésité sur l’agenda politique a notamment conduit à la mise en place du Programme National Nutrition Santé (PNNS), piloté par le ministère de la Santé,. Il visait d’abord une transformation de la demande, en promouvant une alimentation « plus saine ». Le second PNNS (2006-2010) a mis en place un nouvel instrument, les chartes d’engagement volontaire de progrès nutritionnel. Elles reposent sur la mobilisation des industriels agro-alimentaires, qui doivent proposer eux-mêmes des évolutions de leur offre à destination des consommateurs. Cette communication vise à comprendre l’échec relatif de cette politique – puisque, au bout de cinq ans, seules une trentaine de chartes ont été signées. Nous avancerons qu’une partie de cet échec peut être attribuée à l’ambiguïté même de cet instrument. D’un côté, l’un des enjeux majeurs de l’action des pilotes des chartes d’engagement tient à la gestion symbolique de l’instrument, pour conserver sa légitimité et sa capacité de mobilisation. L’identité des entreprises, les améliorations nutritionnelles proposées, mais aussi la communication qui pourra en être faite par la suite de la part des firmes, doivent être prises en compte avant la signature des chartes pour construire et préserver la réputation de l’instrument. D’un autre côté, ce travail de gestion symbolique de l’instrument heurte les attentes des industriels, pour lesquels les chartes représentent avant tout un dispositif marchand.
 
The challenge to mix public action instrument and market device. A look on the (partial) failure of a market-based nutritional improvement policy
 
The definition of obesity as a public health issue in France led, among others, to the implementation of the Programme National Nutrition Santé (PNNS, National Program for Nutrition and Health), run by the French Ministry of Health. It aimed at the improvement of the population’s health, first through a shift in consumers’ demand by the promotion of a “healthier diet”. The second PNNS (2006-2010) implemented a new tool to achieve its goals, this time through an action on food supply. It thus required an active collaboration from food industries, as stated by its very name: charte d’engagements volontaires de progrès nutritionnels (charter of voluntary commitments to nutritional improvements). Our presentation intends to understand the partial failure of this policy – only 30 charters between food industries and the French Ministry of Health have been signed in 5 years. One of our main hypotheses lies in the ambiguity regarding the nature of such a tool. As a public policy instrument, its symbolic capital constitutes its major asset. Symbolic management is thus at stake in all the actions of the charters’ promoters: the identity of firms, as well as the proposed nutritional improvements and the future corporate communication about them, are to be taken into account prior to agreeing a charter to construct and maintain its reputation. Such work of symbolic management hinders the ability of food companies, which expect to present their charter as a market device. The use of charters by food companies requires their integration in economic practices, and that is made difficult by the actions taken by officials to preserve their symbolic capital.


Participants

BERGERON Henri h.bergeron@cso.cnrs.fr
BONNAUD Laure Laure.Bonnaud@ivry.inra.fr
BOSSY Thibault thibault.bossy@u-bordeaux2.fr
CASTEL Patrick p.castel@cso.cnrs.fr
CRESPIN Renaud renaud.crespin@yahoo.fr
DÉPLAUDE Marc-Olivier Marc-Olivier.Deplaude@ivry.inra.fr
FERRIEUX Cécile cecile.ferrieux@sciencespo-lyon.fr
FORTANÉ Nicolas nicolas.fortane@ivry.inra.fr
HENRY Emmanuel emmanuel.henry@misha.fr
LASCOUMES Pierre pierre.lascoumes@sciences-po.fr
PILMIS Olivier pilmis@ehess.fr

 

12ème Congrès de l’AFSP à Paris du 9 au 11 juillet 2013 à Sciences Po

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