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Section Thématique 13

« Banaliser » un objet socio-historique. Les gauches alternatives dans les années 1968, et leurs devenirs
‘Rehabilitating’ a socio-historical object. Alternative left movements in the 1968 years, and their afterlives

Responsables

Isabelle SOMMIER (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) sommier@univ-paris1.fr
Florence JOSHUA (Université de Lausanne) florence.johsua@sciencespo.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Si l’objet « 68 » est définitivement sorti des limbes à l’occasion du quarantième anniversaire, il en va autrement d’un de ses acteurs les plus visibles, les gauches alternatives, dont l’étude, en dehors du PSU (Kernalegenn et al. 2010, Castagnez et al. 2013), reste marginale (Sommier 1998, Dressen 2000, Salles 2005, Kernalegenn 2005, Neveu 2008, Johsua 2015) malgré de nombreux mémoires de Master 2 et le travail réalisé depuis 1997 par le collectif Dissidences. L’intérêt semble bien plus grand hors de nos frontières (McGrogan 2010, Jackson et al. 2011) tandis qu’ici, seuls les récits journalistiques, témoignages et souvenirs abondent, confinant les gauches alternatives à l’anecdotique. Cette friche historiographique est d’autant plus troublante que leur influence et leurs filiations sont importantes et communément reconnues, notamment sur les mouvements sociaux ultérieurs (des « nouveaux mouvements sociaux » à l’altermondialisme), ne serait-ce qu’en raison des multiples reconversions militantes dans le domaine associatif ou syndical, comme dans le champ politique. Lorsqu’elles sont relevées, c’est soit à titre allusif, soit pour nourrir une opposition assez vaine entre « gauchisme politique » et « gauchisme culturel » ou encore entre « anciens » et « nouveaux » mouvements sociaux, et toujours sur fond de même querelle d’héritage sur 68, pour célébrer l’heureuse défaite des uns au profit des autres.
 
Les gauches alternatives apparaissent ainsi comme une parenthèse de quelques années (1968-73) hors sol et sans véritable épaisseur historique : sans passé autre qu’hétéronome dans les interstices de leurs organisations d’origine, ni devenir autre que temporaire et bien souvent sur le registre de la manipulation des mouvements existants, des erreurs stratégiques et finalement des renoncements pour ne pas dire du repentir. Bref, un objet socio-historique qui n’en est pas un, puisque réduit à une séquence de cinq années et partant, peu légitime en sociologie des mouvements sociaux comme en sociologie des partis politiques. L’historiographie des années 1968 s’en trouve de la sorte singulièrement amputée, soit par l’ignorance des effets des gauches alternatives sur les conflits des années 1970, mais aussi sur les groupes partisans et syndicaux existants (et leurs évolutions), soit au travers d’une focalisation sur l’extrême gauche.
 
Interroger la place des gauches alternatives dans l’économie générale des années 1968 impose d’opérer un quadruple déplacement de perspective :
- Désenclaver l’objet en privilégiant à l’entrée « extrême gauche » au singulier, celle des gauches alternatives entendues comme l'ensemble des sensibilités politiques qui prônent une rupture avec le système capitaliste en procédant à la critique plus ou moins radicale de la gauche institutionnelle. Le terme ne recoupe pas, même s’il l’inclut, celui de New Left, utilisé à partir du début des années 1960 pour qualifier les formations explicitement politiques qui se développent le plus souvent au sein de la gauche institutionnelle. Il le dépasse en intégrant d’une part la filiation libertaire (anarchistes, autonomes), d’autre part les expérimentations politiques, souvent venues des chrétiens de gauche, qui transgressent ouvertement les frontières habituellement dévolues aux domaines respectifs du politique et du social pour « faire de la politique autrement ».
- Substituer au débat entre « ancien » et « nouveau » la question du rapport des gauches alternatives à l’institué, pour reprendre une analyse de J.-M. Denis (2011), ce qui permet de dépasser la séquence courte 1968-73, pour penser à la fois, en amont, les effets des expériences de dissidence intrapartisane dont sont issus la plupart des groupes (PCMLF du PCF, LCR-GP de l’UEC) et, en aval, les tensions qu’ils rencontrent à partir de la seconde moitié des années 1970 quand s’épuisent les luttes et que, notamment avec le programme commun, se pose la question des voies du changement politique au-delà de son horizon révolutionnaire.
- Privilégier une approche localisée (Briquet & Sawicki 1989), contre le prisme parisien et par le haut généralement adopté à leur égard, pour inscrire l’évolution des gauches alternatives dans un tissu socio-économique et un champ politique et multi-organisationnel précis, ce qui, probablement, mettra en lumière leur adaptabilité à la variété des configurations locales, contre l’image monolithique qui en est souvent renvoyée.
- Arrimer leur étude non sur l’exégèse de leurs productions internes (souvent indigestes) mais sur les parcours individuels et événements militants constitutifs de points d’infléchissement et de bifurcations les conduisant à se délester progressivement de l’idée de centralité ouvrière et à s’investir ailleurs (par exemple dans les luttes pour la libération des mœurs, qui ont influencé – en retour – ces mouvements) ou autrement dans les organisations institutionnelles, ou encore en contribuant au renouvellement des pratiques militantes (partisanes, syndicales ou plus généralement contestataires).
 
C’est principalement à l’aune de ces deux derniers critères que les propositions de communication sont attendues, qu’elles viennent de la sociologie, de la science politique ou de l’histoire. Cette ST n'entend par ailleurs pas se limiter au cas français.


If, on its fortieth anniversary, 1968 as an object of study was definitively rescued from limbo, the same cannot be said for one of its most visible actors, the alternative left. The Parti socialiste unifié (PSU) aside, research on these movements remains marginal, despite the high number of dissertations by research Masters students, and the work carried out since 1997 by the Dissidences collective. Interest in the alternative left appears far greater outside France, while here only memoirs and the accounts of journalists and eye-witnesses proliferate, confining alternative left groups to the realm of anecdote. This historiographically fallow period is all the more concerning because there is widespread recognition of the importance of the influence and the descendants of the alternative left, in particular with regard to later social movements (from New Social Movements to the global justice movement), if only because of the subsequent involvement of activists within associations and unions, as well as in the political sphere. When reference is made to the alternative left, it is either made obliquely, or in the service of a rather empty opposition between being ‘politically’ and ‘culturally’ left-wing, or between ‘old’ and ‘new’ social movements; and always as part of the same argument over the legacy of 68, as a means of celebrating the propitious defeat of one group to the benefit of others.
 
Alternative left movements thus appear as a caesura of a few years (1968-73), rootless and with no real historical weight: with no past other than a heteronomous one in the gaps of their parent institutions, and with only a temporary future, often couched in terms of the manipulation of existing movements, of strategic errors, or even of renunciation, and sometimes repentance. In short, the alternative left is a non-object in socio-historic terms, reduced as it is to a period of five years, and consequently with little legitimacy within either the sociology of social movements or the sociology of political parties. As a result, the historiography of the 1968 years is singularly curtailed, either because of ignorance of the effects of alternative left movements on the conflicts of the 1970s, and also on existing political and union groups (and their later development); or because of the attention paid to the extreme left.
 
Interrogating the position of the alternative left in the general economy of the 1968 years means changing focus in a number of areas:
·      Opening up the object by interpreting the ‘extreme left’ as a singular entity at the outset, with alternative left movements being understood as the whole range of political outlooks which advocate breaking with the capitalist system.
·      Replacing the debate between ‘old’ and ‘new’ with a discussion of the relationship between the alternative left and the establishment.
·      Opting for a localised approach over the Parisian top-down vantage point generally adopted in relation to the study of the alternative left.
·      Anchoring research in the study of individual histories and activist events that represent moments of change or turning-points, which lead alternative left movements gradually to move away from the idea of the central figure of the worker and to invest their efforts elsewhere (for example in the feminist and gay movements); or differently, in institutional organisations, or by contributing to the renewal of activist practices.
 
This Thematic Session is not limited to French case studies, and welcomes proposals for presentations on other countries.

 
Bibliographie
 
Briquet, Jean-Louis et Sawicki, Frédéric, « L’analyse localisée du politique », Politix. Revue des sciences sociales du politique,            n° 7-8, 1989, p. 6-16.
Castagnez, Noëlline, Jalabert, Laurent, Lazar, Marc, Morin, Gilles et Sirinelli, Jean-François, dir., Le PSU. Histoire et postérité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
Denis, Jean-Michel, L’action collective entre individualisme et autonomie, HDR en sociologie, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, 2011.
Dressen, Marnix,  De l'amphi à l'établi. Les étudiants maoïstes à l'usine (1967-1989), Paris, Belin, 2000.
Jackson, Julian <http://www.palgrave.com/products/Search.aspx?auID=15974> , Milne, Anna-Louise <http://www.palgrave.com/products/Search.aspx?auID=27292> and Williams, James S., <http://www.palgrave.com/products/Search.aspx?auID=22328> eds., May 68. Rethinking France's Last Revolution, Palgrave Macmillan, 2011.
Johsua, Florence, Anticapitalistes. Une sociologie historique de l’engagement, Paris, La Découverte, 2015 (à paraître).
Kernalegenn, Tudi, Drapeau rouge et gwenn-ha-du. L'extrême-gauche et la Bretagne dans les années soixante-dix, Rennes, Apogée, 2005.
Kernalegenn, Tudi, Prigent, François, Richard, Gilles, Sainclivier, Jacqueline, dir., Le PSU vu d'en bas : réseaux sociaux, mouvement politique, laboratoire d'idées (années 1950 - années 1980), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.
McGrogan, Manus, Tout! in context 1968-1973:  French radical press at the crossroads of far left, new movements and counterculture, Ph. D. in Philosophy of the University of Portsmouth, 2010.
Neveu, Érik, « Trajectoires de “soixante-huitards ordinaires” », in D. Damamme, B. Gobille, F. Matonti, B. Pudal, dir., Mai-Juin 68, Paris, Éditions de l’Atelier/Éditions ouvrières, 2008, p. 306-318.
Salles, Jean-Paul, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981). Instrument du Grand Soir ou lieu d’apprentissage ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.
Sommier, Isabelle, La violence politique et son deuil. L'après 68 en France et en Italie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 3 : mardi 23 juin 9h00– 12h00
Session 4 : mercredi 24 juin 14h00 – 17h00

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1
Discutant : Bernard Pudal (Professeur émérite de science politique de l’Université Paris Ouest La Défense)

Axe 2
Discutante : Frédérique Matonti (Professeure de science politique de l’Université Paris 1)

Table papers


Résumés des contributions

Gilles Descloux (Institut d’études politiques, historiques et internationales (IEPHI), Université de Lausanne)
 
Entre la croix et la faucille. Autour de quelques parcours de socialistes-chrétiens en Suisse romande

En partant d’une approche par les carrières, cette communication examinera le parcours d’un jeune théologien de Neuchâtel (CH), plus tard membre de la FRSC (Fédération romande des socialistes chrétiens), dans des réseaux internationaux par lesquels il en vient à découvrir une théologie politique et à tisser des liens affectifs avec ses partisans. Cet examen montrera l’importance des organisations internationales confessionnelles (Conseil œcuménique des Eglises, Pain pour le Prochain, CETIM, EPER, Mouvement anti-apartheid) qui émergent dans les années 1960, en particulier en Suisse occidentale, dans la circulation et la politisation de ce type de discours pastoral. L’intérêt d’une telle approche est de montrer par quels circuits une organisation comme la FRSC, dont le discours est fortement discrédité dès la sortie de la Seconde Guerre mondiale, en vient à puiser de nouveaux registres discursifs et tente ainsi de retrouver une forme de légitimité. Dans cette communication, seront d’abord brièvement évoqués les difficultés et le discrédit auxquels fait face la FRSC dans le contexte helvétique des années 1960. L’analyse se centrera ensuite principalement autour du parcours de ce membre de la FRSC, ce qui amènera à interroger l’impact du contexte contestataire local de cette période sur la structure de l’espace militant en Suisse.

Between Cross and Sickle. Exploring a Christian Socialist’s Life-Course in West Switzerland

Through a career approach, this communication will examine the circulation of a young theologian from Neuchâtel (CH) into new transnational linkages, in which he founds a political theology and makes affective connections with their partisans. This examination will show the importance of confessional international organisations (World Council of Churches, Pain pour le Prochain, CETIM, EPER, Anti-Apartheid Movement, etc.) emerging in the 1960s, particularly in west Switzerland, in the circulation and politicization of the pastoral discourse. The interest of this focus is to show by what linkage an organisation like the FRSC (Fédération romande des socialistes chrétiens), largely discredited since the post-war period, tries to establish new discourses and, thus, a new legitimation. First, I will describe the difficulties and discredits facing the FRSC in the 1960’ Swiss context. The analyse will, then, focus on the life-course of this FRSC’s member, which will enable us to question the impact of the 1960’s contentious local context on the structure of Christians movements in Switzerland.

 
Sophie Orange (CENS (FRE 3706), Université de Nantes)
 
Massification scolaire et augmentation de la « population militante disponible ». L’essor de l’extrême-gauche à Nantes dans les années 1970

Cette communication propose une approche localisée et historiquement située de l’essor des organisations d’extrême-gauche à Nantes dans les années 1968-1973, en les rapportant à leurs conditions de possibilité et de production. Le parti pris ici est de considérer les gauches alternatives comme un objet (ou produit) scolaire. On fait en effet l’hypothèse que la première massification de l’enseignement des années 1960 a fortement contribué à la montée de la contestation dans les années 1968, non pas seulement comme cause de l’engagement militant (la « question étudiante »), mais aussi et surtout comme condition de possibilité de l’engagement. Dans le cas nantais, les organisations d’extrême-gauche ont ainsi bénéficié, dans leur développement, de l’expansion massive de l’Université ainsi que de la création récente de trois nouveaux lycées. Ce développement a fait accroître ce que l’on pourrait appeler la « population militante disponible ». Cette communication s’appuie sur des entretiens réalisés avec des militants et d’anciens militants entrés dans des organisations d’extrême-gauche nantaise dans les années 1968 ainsi que sur des documents d’archives.
 
Massification of education and increase of the “militant available population”. The rise of far-left in Nantes during the 1970s

In this presentation, we consider a localized and historically-situated approach of the rise of far-left organizations in Nantes between 1968 and 1973, in connection with their conditions of possibility and production. Our postulate is to consider the alternative lefts as a school object (or product). The hypothesis is that the first massification of education during the 1960s has led to the rise of contestation around 1968, not only as a cause of militant commitment (the "student situation"), but also as a condition of possibility of commitment. In Nantes, far-left organizations were helped in their development by the growth of the University and the creation of three new high-schools. This development allowed what could be named the “militant available population”. This presentation is based on interviews of militants and former militants engaged in far-left organizations in Nantes around 1968 and on archives.

 
Ismail Ferhat (ESPE d’Amiens /UPJV-CAREF) et Bruno Poucet (UPJV-CAREF)
 
L’école, un révélateur des fractures des gauches alternatives ? De la fin des années 1960 aux coordinations d’instituteurs (1987)

L’école constitue pour les gauches alternatives un sujet complexe, surtout après Mai 1968 où l’institution éducative a été critiquée au sein de celles-ci. Les gauches alternatives seront ici étudiées sous l’angle privilégié du PSU, des chrétiens de gauche, des mouvements trotskystes (LCR, lambertistes), des tendances d’extrême-gauche du syndicalisme enseignant et des courants pédagogiques alternatifs. La période étudiée commence à la fin des années 1960, avec la radicalisation concomitante du PSU et de plusieurs syndicats enseignants en 1967, puis les événements de Mai 1968, qui ouvrent un espace éducatif nouveau pour les gauches alternatives. Elle s’achève avec les « coordinations » d’instituteurs de janvier-février 1987, qui constituent une dernière poussée des thématiques et des méthodes des gauches alternatives dans le domaine des mobilisations éducatives.
 
When education disunites. Radical left movements and school system in France (1967-1987)

School has been a complex issue for the radical political left in France, especially after May 1968, when the education system was a matter of criticism among those movements. The study will focus on the interactions between the issue of education and the radical political left in France, defined as the PSU (Parti socialiste unifié), left-wing christians, the different trends of french trotskyism and the radical currents active in teachers unions. The analysis will begin with the radicalization of several organizations which deal with education issues, like the PSU and teachers unions in 1967, and the debates on the school system which occured after May 1968. The period studied ends with the primary school teacher demonstrations of 1987, which are the last social movement within school system in which radical political left had a major influence.

 
Pierre Odin (Centre d’études et de recherches internationales, IEP de Paris / Université des Antilles et de la Guyane)
 
Les différents impacts de Mai 68 aux Antilles françaises : trajectoires, circulations et répertoires d'action des militants antillais au sein des gauches révolutionnaires et anticolonialistes  

Cette contribution propose d’étudier l’influence des événements de Mai 1968 en France sur le militantisme et les conflits sociaux aux Antilles françaises des années 1970 à nos jours, en s’appuyant sur une analyse des trajectoires et des circulations des militants politiques et syndicaux antillais qui ont pu séjourner en France métropolitaine entre 1965 et 1975. Dans cette optique, elle présentera principalement des  éléments relatifs à la sociographie de cette génération au prisme des circulations militantes entre les Antilles françaises et la métropole, aux relations entre les organisations métropolitaines et antillaises et à la caractérisation du répertoire d’action déployé par les entrepreneurs de mobilisation issus des gauches alternatives. Notre travail se basera sur les récits de vie des militants politiques et syndicaux de cette période dans la mesure où ceux-ci nous permettent de rendre compte de leurs trajectoires, c’est-à-dire des parcours marqués autant par l’engagement individuel que par des cadres collectifs, à la fois au contact des différentes organisations (avec leur histoire, leurs modes de fonctionnement et de recrutement propres) et des mobilisations sociales. Au-delà, nous tenterons de restituer les contextes politiques tels qu’ils nous ont été décrits par les acteurs issus de cette matrice anticolonialiste, et de penser la concomitance des espaces militants généralement séparés par l’historiographie de la contestation étudiante en France – s’agissant notamment du tiers-mondisme et des « gauches alternatives» – en lien avec les particularismes locaux de la conflictualité aux Antilles.
 
May 68 in the French Antilles: trajectories, circulations and contentious repertoires of West Indian activists into the revolutionary and anti-colonialist left

This paper aims to study the influence of the May 1968 events in France on activism and social conflicts in the French Antilles from the early 1970s to the present days. It is based on an analysis of the trajectories and circulations of Caribbean political and trade union activists who stayed in France between 1965 and 1975. To do so, I will present mainly items related to the sociography of this generation, through the prism of activist circulations between the French Antilles and the mainland, relations between metropolitan and Caribbean organizations, and characterization of the contentious repertoire deployed by the leaders of the radical left. To do this, my work will be based on a biographical analysis of political and trade union activists of that period in order to account for their trajectories, individual commitment and collective frameworks, both in contact with various organizations (with their history, their modus operandi and own recruitment) and social mobilizations. In addition, I will try to restore the political context as described by the actors who took part in this anti-colonial movement, and think the coincidence of activist spaces usually separated by the historiography of the student protests in France - in particular the so called Third World and the "alternative left" - in connection with the local peculiarities of conflicts in the French Antilles.

 
Annie Collovald (CENS, Université de Nantes)
 
Gauches alternatives et intérêt pour l’international : l’exemple nantais

On voudrait revenir sur un mode d’action réputé spécifique aux gauches alternatives des « années 68 » - leur internationalisme - en replaçant celui-ci dans l’espace militant nantais et des causes qui, alors, y étaient défendues. Sur la base de récits biographiques, d’archives (presse, tracts, documents internes aux organisations) et de la reconstitution des différentes actions et manifestations ayant eu lieu pendant les années 1970, on voudrait suivre une double hypothèse. Dans le contexte nantais marqué par un « moment hérétique » faisant se rejoindre des groupes et des organisations dans un même « baptême du marxisme » quand ils étaient ailleurs séparés (PS, PCF, PSU, CGT, CFDT, paysans, chrétiens en recherche, maoïstes, trotskystes...), les gauches alternatives n’avaient pas le monopole de l’intérêt pour les événements internationaux (ces questions étaient depuis longtemps travaillées par les chrétiens de gauche et suscitaient l’attention de tous ces « radicaux ») ; ces événements, en outre, ne se distinguaient pas des luttes ouvrières alors vivaces et étaient lus selon le même schème de « lutte des classes » à l’instar de toutes les autres causes défendues (« causes ouvrières », « féministes », « écologiques », « antimilitaristes » ...). Ce n’est que très tard, dans les années 1980 sous l’effet d’un décentrement des enjeux politiques et de la dissolution des relations entre tous les « radicaux » d’alors, que la question de l’international va devenir spécifique, notamment sous la forme de la défense des « étrangers » ou des « immigrés » et être un des lieux de rassemblement des anciens des gauches alternatives.
 
Alternative lefts and interest abroad: Example Nantes

We would like to focus back on to a mode of action said to characterize the alternative lefts in the "years" 68 - their internationalism - by placing it in the activist Nantes area and the causes which were then defended.  Based on biographical narratives, archives (press articles, leaflets, internal documents of the organizations) and the recovery of the several actions and events that took place during the 1970s, we want to follow two hypothetical ideas. In the Nantes context marked by a "heretic time" making groups and organizations join in the same "baptism of Marxism" when they were elsewhere separated (PS, PCF, PSU, CGT, CFDT, farmers, Christians in the finding, Maoists, Trotskyists ...), alternative lefts were far from being the only ones interested  in international events (these issues had long been thought over by left wing Christians and aroused the attention of all those "radicals"); what’s more these events  did not differ from the working class struggles quite acute at that time and were read according to the same pattern of "class struggles" like all other causes defended ("workers causes", "feminist issues", "ecological concern", "anti-military actions" ...). It was only much later in the 1980s due to the shift out of political issues and the untightened relationships between all the "radicals" of the time that the international question became particular, especially in its defence of "foreigners" or "immigrants" and turned into a gathering place for the former members from the alternative lefts.

 
Guillaume Gourgues (Université de Franche-Comté, CRJFC/PACTE)
 
« D’étranges révolutionnaires… » : Les gauches alternatives aux prises avec le conflit des usines Lip (1973-1977)

Cette communication aborde la trajectoire des militants de la « gauche alternative » dans le conflit des usines horlogères de Lip, à Besançon, entre 1973 et 1977. Souhaitant dépasser une analyse quelque peu fonctionnaliste de leur rôle, consistant à analyser l’échec des tentatives d’enrôlement des ouvriers par les militants d’extrême gauche ou de la « deuxième » gauche (PSU), nous proposons de nous pencher sur un aspect précis de la présence de cette gauche dans le conflit : la controverse qu’elle ne cesse d’animer sur les objectifs de la lutte, et qui s’exprime dans les publications de l’époque (notamment La Taupe Rouge, Front Rouge, Bulletin de la cellule PSU-Lip). Faut-il s’autogérer (au lieu de détruire le capitalisme) ? Pour quoi faire ? En courant quels risques ? Les craintes qui s’expriment alors au sein de la gauche alternative (notamment sur l’intérêt de l’autogestion) préfigurent, avec une étonnante pertinence, les débats en cours sur l’attitude à adopter face aux licenciements économiques, oscillant entre sortie du régime strictement actionnarial (sous format de coopérative) et refus pur et simple des licenciements économiques. À l’heure où les solutions coopératives et les récupérations d’usines sont (de nouveau) présentées comme des alternatives à l’ordre économique dominant, cette sociogenèse d’une controverse politique saisie depuis la configuration locale dans laquelle elle se construit, dépassant la seule histoire « interne » de la gauche alternative, semble riche d’enseignements.
 
"Strange revolutionaries...": The alternative-left facing the conflict of the Lip factories (1973-1977)

This communication focuses on the trajectory of "alternative-left" activists during the conflict of the watch factories of Lip, in Besançon, between 1973 and 1977. Aiming to overcome a somewhat functionalist approach, which mainly analyze the inability of radical and 'second' French left to enroll workers in global revolution, we propose to focus on a specific aspect of their presence within the conflict: that is to say the controversy about the objectives of the struggle, that are permanently animated by leftists activists thanks to their publications (notably La Taupe Rouge, Front Rouge, Bulletin de la cellule PSU-Lip). Do we have to self-manage our factory (instead of destroying capitalism)? To what purposes? What are the risks? Fears expressed by the alternative left (notably about self-management) prefigure, with an astonishing relevance, the ongoing debates on the attitude that would be adopted facing massive redundancies, from an exit of shareholding capitalism (by cooperatives) to a strict refusal of redundancy. Whereas cooperatives are currently (re)considered as an alternative to the dominant economic order, a socio-genesis of this political controversy (studied according to the specificity of the local context, and not only through the prism of the history of alternative-left), appears as a fruitful issue.

 
Amandine Martor (Clersé, Université Lille 1) et Tristan Haute (Ceraps, Université Lille 2)

L'implication des « gauches alternatives » : retour sur la mobilisation autour du projet de réhabilitation du quartier de l'Alma-Gare à Roubaix (Nord)

Durant près de vingt ans, le quartier roubaisien de l'Alma-Gare a connu une mobilisation contre un projet de réhabilitation. Dès son origine en 1966, la mobilisation a été menée par les Associations Populaires des Familles (APF), dont les militants étaient proches de l'Action Catholique Ouvrière (ACO) et du Parti Socialiste Unifié (PSU). Cette lutte se singularise aussi par l’implication des gauches alternatives locales, en particulier de la Gauche Prolétarienne (GP), historiquement plus impliquées dans les conflits autour du travail.
Les APF et les gauches alternatives ont ici des modalités d’action communes, en particulier le porte à porte. Cela favorise la politisation de questions, comme celles autour du logement et du cadre de vie, qui étaient inégalement prises en compte dans l’espace politique des gauches alternatives. Ainsi, cette mobilisation participe à la formalisation de pratiques militantes nouvelles, telle que la réquisition de logements vides. Elle a également une incidence sur les trajectoires professionnelle et politique de ces militants : ils vont, par exemple, se professionnaliser dans les métiers de l’aménagement urbain, intégrer des partis politiques (le parti EELV notamment), proposer leurs candidatures à des fonctions d’élus. Pour discuter ces questions, nous reviendrons sur une enquête en cours s’intéressant aux conséquences biographiques de l’engagement. Nous analyserons des récits et calendriers de vie qui ont été réalisés avec d’anciens militants.

The implication of the extreme-leftist organizations: the rehabilitation project in the area of Alma-Gare in Roubaix (North of France)

For almost twenty years, the Roubaix area of Alma-Gare has seen a mobilization against a rehabilitation project. Since the beginning in 1966, it has been lead by the “Associations Populaires des Familles” (“APF”), in which the activists were linked to the “Action Catholique Ouvrière” and the “Parti Socialiste Unifié”. This conflict stands out due to the participation of activists from the extreme-leftist organizations, as well as due to the absence of the Socialist and Communist parties. However, it seems to have grown away from the struggles into which the Maoists traditionally throw themselves, historically more implicated in work related conflicts.
The “APF” and the extreme-leftist organizations develop some communal action methods, like door to door communication. It contributes to the politicization of different issues, such as living environment, that were unequally taken into account in the extreme-leftist organizations. This mobilization plays a role in the formation of new activist practices, such as the requisition of empty accommodations. All in all, it has an impact on the professional and political trajectories of those activists. For example, they integrate urban planning jobs, they join political parties, they apply to councilor duties. To discuss these questions, we base our proposal on a current collective research related to biographical consequences of activism. We propose to analyze some personal narratives and calendars which have been conducted with former activists.


Laure Fleury (CRAPUL, Institut d’études politiques, historiques et internationales (IEPHI), Université de Lausanne & ENS de Lyon)
 
L’impact du genre au sein des organisations maoïstes

La question des femmes dans les organisations maoïstes revêt plusieurs dimensions étroitement liées entre elles. À l’instar de l’ensemble des partis, groupes et associations politiques mixtes des décennies 1960-1970, les rapports sociaux de genre déterminent et structurent le fonctionnement ainsi que les pratiques des organisations maoïstes. Cette communication se propose d’interroger la place et le rôle dévolus aux femmes dans les groupes maoïstes en partant de l’hypothèse que si elles sont exclues – à quelques exceptions près – des instances dirigeantes, le nombre relativement important de couples militants tend à faire penser qu’elles étaient davantage présentes que dans d’autres structures politiques de l’époque. À un niveau microsociologique, ce postulat permet d’élargir la problématique à la manière dont les rapports sociaux de sexe sont (re)configurés au sein des couples militant dans des partis d’extrême gauche. Par ailleurs, les années 1970 sont marquées par l’émergence du mouvement des femmes. En tant que telle, la question des femmes a-t-elle rencontré un écho au sein des organisations maoïstes et a-t-elle pu subvertir un tant soit peu les mécanismes genrés à l’œuvre dans ces groupes ? Ou au contraire, le peu d’intérêt suscité par cette problématique a-t-il généré des défections accompagnées (ou non) d’un réinvestissement dans des structures féministes ?
 
The gender impact within Maoist organisations

The question of gender within Maoist organisations covers several closely linked dimensions. Just as in all other parties, political groups and associations in the 1960s and the 1970s that included both men and women, social relations of gender defined and shaped the operating practices of Maoist organisations. This table paper assesses the place and role assigned to women in Maoist groups, based on the hypothesis that although they were excluded from leadership (with some rare exceptions), the relatively high number of activist couples suggests that they may have had a greater presence here than in other political organisations of the time. On a microsociological level, this assumption allows us to broaden the investigation to explore the way in which social relations of gender are (re)configured within activist couples in extreme left-wing parties. Furthermore, the 1970s are characterised by the emergence of the women’s movement. Was the issue of gender in itself met positively within Maoist organisations? If so, could it have slightly subverted the gender-specific mechanisms in place within these groups? Alternatively, did a poor awareness of this issue provoke defections towards feminist organisations?

 
Hugo Melchior (CERHIO, Université de Rennes 2)
 
Comment se lier organiquement à la classe ouvrière dans les années 68 ? L'exemple de trois organisations à Rennes

Se caractérisant par la petitesse de leur assise numérique, les organisations révolutionnaires présentes à Rennes sont toutes confrontées au même problème épineux au sortir de Mai-Juin 68 : la grande jeunesse de leurs forces militantes et surtout la position d’extériorité de celles-ci à l’égard du salariat et encore plus de la classe ouvrière industrielle. Que faire pour renforcer l'implantation de l’organisation au cœur de la classe ouvrière ? Les organisations, dominant le champ politique radical rennais, la Ligue Communiste, Rennes-Révolutionnaire et l'Humanité Rouge vont opter pour des stratégie volontaristes de construction de l'organisation, bien que sensiblement différentes ; l'enjeu étant de réussir à traverser les barrières sociales et spatiales séparant, alors, les militants révolutionnaires de la « classe ouvrière » avec l'espoir  de modifier la morphologie de leur organisation respective et, par là même, la réalité de leur implantation politique.
 
How to construct organic links with the working class in the 1968 years: the example of three organizations in Rennes

All suffering from the same paucity of members, the revolutionary organizations in Rennes towards the end of May-June 68 were facing the same sticky problem: the overwhelming youth of their activists, and above all their remoteness from the employed class, and even more from the industrial labor force. What could be done, then, to strengthen the presence of the organizations within the working class? The dominant organizations in the radical political spectrum in Rennes, La Ligue Communiste, Rennes-Révolutionnaire and l’Humanité Rouge, would lean towards voluntaristic strategies of organization-building, although in different ways. Their goal was to break through the social and spatial barriers that kept revolutionary activists apart from the working class, with the hope of changing the shape of their respective organizational structures, and hence their political roots.


Participants

Collovald Annie  annie.collovald@univ-nantes.fr
Descloux Gilles  gilles.descloux@unil.ch
Ferhat Ismail   ismaelferhat@yahoo.fr
Fleury Laure  lfleury08@yahoo.fr
Haute Tristan tristan.haute@orange.fr
Johsua Florence  florence.johsua@sciencespo.fr
Gourgues Guillaume guillaume.gourgues@univ-fcomte.fr
Matonti Frédérique  Frederique.Matonti@univ-paris1.fr
Martor Amandine  amandine.martor@gmail.com
Melchior Hugo  hugo.melchior@yahoo.fr
Odin Pierre  pierre.odin@gmail.com
Orange Sophie  Sophie.orange@univ-nantes.fr
Poucet Bruno  bruno.poucet@orange.fr
Pudal Bernard  bernard.pudal@csu.cnrs.fr
Sommier Isabelle sommier@univ-paris1.fr

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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